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Mort de Naël : pour éviter l’embrasement, l’exécutif change de ton
Mort de Naël : pour éviter l’embrasement, l’exécutif change de ton
Article de Romain BRUNET •
Alors que l’exécutif a l’habitude de prendre la défense des policiers mis en cause pour des tirs après des refus d’obtempérer, Emmanuel Macron, Élisabeth Borne et Gérald Darmanin ont tous les trois condamné mercredi l’acte du policier ayant tué le jeune Nahel à Nanterre. Un changement de ton qui vise surtout à éviter l’embrasement après deux nuits de violences.
Emmanuel Macron n’a pas mâché ses mots pour dénoncer un acte "inexplicable" et "inexcusable" de la part du policier ayant tué mardi le jeune Nahel, 17 ans, à Nanterre. "Rien ne justifie la mort d’un jeune", a-t-il affirmé, mercredi 28 juin, lors du troisième jour de sa visite à Marseille, parlant devant la presse de "mots d’affection, de peine partagée et de soutien à sa famille et à ses proches".
Le même jour, lors des questions au gouvernement au Sénat, la Première ministre, Élisabeth Borne, a quant à elle fustigé des "images choquantes" qui "montrent une intervention qui n'est manifestement pas conforme aux règles d'engagement de nos forces de l’ordre".
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a évoqué de son côté mercredi des "images extrêmement choquantes" au sujet de la vidéo du tir fatal du policier, décrivant "des gestes absolument pas conformes aux instructions et à la loi de la République" et qualifiant cet événement de "drame, car il n’y a pas d’autre mot quand un jeune meurt".
Enfin, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a invité les députés présents dans l’hémicycle mercredi après-midi à une minute de silence "en mémoire de Nahel, en soutien à ses parents et à ses proches".
Le ton est à l’apaisement et tranche avec les réactions habituelles de l’exécutif pour ce type d’événement. Après la mort d'un Guinéen de 19 ans près d'Angoulême, mi-juin, Nahel est la deuxième victime à être tuée en 2023 dans ces circonstances, tandis que 13 personnes ont été tuées par un tir policier après un refus d’obtempérer, en 2022.
Faute d’images, la version policière, qui consiste à affirmer que le fonctionnaire de police a réagi par légitime défense, est systématiquement avancée. Sur les 13 tirs mortels de 2022, cinq policiers ont été mis en examen. Les autres ont été libérés sans poursuites à ce stade. Interrogé au sujet de ces morts, le 27 octobre, Gérald Darmanin affirmait alors sur France Inter : "Les policiers et les gendarmes sont les premières victimes des refus d’obtempérer".
Une vidéo qui change la donne
Mais la publication de la vidéo du tir policier, seulement quelques heures après la mort de Nahel mardi matin, et le buzz généré par sa diffusion massive sur les réseaux sociaux ont changé la donne. Les images montrent clairement des policiers sur le côté de la voiture, n’étant absolument pas menacés par son démarrage.
Le son est encore plus accablant, selon le chercheur Fabien Jobard, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des questions de police. "On entend son collègue lui dire quelque chose comme 'shoote-le' et lui-même menacer le jeune homme en lui disant 'tu vas te prendre une balle dans la tête' ou un propos semblable. (…) Le son ne laisse plus de place au doute", a-t-il affirmé jeudi matin sur France Inter.
La première nuit de violences à Nanterre, dans la nuit de mardi à mercredi, et les comparaisons qui ont fusé avec les émeutes de 2005 ont également contribué à pousser l’exécutif à jouer la carte de l’appel au calme. Car dans un premier temps, les déclarations de mardi avaient repris les éléments de langage habituels.
Lors des questions au gouvernement, Gérald Darmanin avait ainsi été beaucoup plus mesuré, se disant "attentif à la présomption d’innocence des fonctionnaires de police" et assurant que "dans de très nombreux cas, malheureusement, des policiers et des gendarmes sont morts de refus d’obtempérer".
La députée Renaissance, Caroline Abadie, allait de son côté encore plus loin dans la défense des policiers mis en cause : "C’est quand même la police qui détient le droit de faire usage de la force. (…) Quand il y a un barrage de police, on s’arrête. Point barre."
Des syndicats de police stupéfaits
Les syndicats de police ont peu goûté l’évolution du discours de l’exécutif ces dernières 48 h. "À travers des propos comme : 'inexplicable, inexcusable', contraires à ses déclarations comme quoi il soutient la police, il est inconcevable que le président de la République, comme certains responsables politiques, artistes ou autres bafouent la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice en condamnant nos collègues avant même que celle-ci ne se prononce", a écrit dans un communiqué le syndicat de police Alliance.
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