Homélie de la messe à la mémoire de la famille Jagault (mars 1994)

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Homélie de l'abbé Bayot lors de la messe célébrée vers le 17 mars 1994, à la mémoire de Jean-Baptiste Jagault, guillotiné par la révolution le 17 mars 1794, et de ses frères prêtres, Pierre et René.

http://shenandoahdavis.canalblog.com/archives/2013/11/06/28373549.html

Transcription :

Mes Frères, il paraît que la France est un lieu de mémoire, un lieu où, pour prendre ces mots dans leur sens obvie et non usuel, un lieu où l'on aime se souvenir, commémorer d'anniversaires en millénaires en passant par les cinquantenaires, les centenaires et les bicentenaires.

Notre fête dite nationale, par exemple, est une commémoration pour la commémoration car justement ce jour-là il n'y a rien qu'un simple sanglant fait divers à rappeler.

On a vu naguère une parade exotique d'un mauvais goût criard commémorer le bicentenaire d'une révolution dont on n’avait jamais autant vu qu'elle n'était pas française. Orphéons, lampions, néons, flonflons, négrillons.

Et puis, petit à petit, plus rien. Les autorités amnésiques ont apparemment oublié la suite du programme. 89 n'était-ce pas le début d’une ère nouvelle ?

On a envoyé les balayeurs ramasser paillettes et strass et ils n'ont pas tardé à ramener des bouquets, des monceaux de bouquets de fleurs de lys.

C'était le 21 janvier, pour le bicentenaire de l'assassinat du père des français, suite logique déjà préfigurée de 89.

Le Chef de l'Etat à quatre pattes sous son fauteuil cherchait en vain la légitimité de son siège et l'archevêque dans sa cathédrale fermée rêvait de la rouvrir bientôt pour le bicentenaire de la déesse raison. Seul, l'ambassadeur d'une nation protestante était venu honorer le fils de Saint Louis à qui son pays devait d'exister.

Partout, un immense silence de deuil, de larmes, d'horreur commémore dignement le bicentenaire du meurtre, de la prison, du crime.

Nous y ajoutons ici la prière. Et l'on se souvient à travers ce court espace de deux cents ans, quand on a l'honneur d'en descendre et le bonheur d'en retrouver trace, de tel ancêtre qui vécut ou mourut en ces temps-là et, puisqu'on nous y invite imprudemment, nous en célébrons le bicentenaire.

Et nous disons comment et pourquoi : comment ils ont traversé ce cimetière qu'était devenue la France, zigzaguant à travers les tombes ou y trouvant la leur, pourquoi ils ont vécu cette agonie et, puisque nous dérangeons leur survie, pourquoi nous sommes autant menacés qu'eux et comment nous pouvons peut-être éviter leur sort affreux.

C'est ainsi que les membres de la famille JAGAULT ont estimé qu'ils pouvaient rendre un hommage public à ceux des leurs qui, alors, servirent le roi et en moururent. Honorer Dieu sans faillir et, nouveaux confesseurs de la foi, nous montrer comment chez eux, à l'instar des premiers chrétiens, on n'a pas servi les idoles proposées.

L'un s'appelait Jean-Baptiste. Il avait au moment des évènements une trentaine d'années, un homme jeune, un jeune mari, un tendre père. Ce n'était pas un va-t'en-guerre, un enragé mais un homme de loi que tous les indices permettent d'imaginer doux, paisible mais intraitable sur les raisons de vivre, celles de ses pères, selon la famille, celles de ses pairs, selon la profession : procureur, officier municipal.

Ses descendants actuels se sont avancés au premier rang du barreau. Lui était, au début de sa carrière, un simple avoué. Il avait suivi l'armée vendéenne sans que l'on sache exactement quel rôle il y avait joué mais après la déroute du MANS, il fut reconnu, arrêté, conduit à ANGERS et guillotiné à un jour près, à une heure près, à ce moment même le 17 mars 94.

Il est bien émouvant d'entendre en ce jour, à cette distance, sa voix résonner à nos oreilles. Voici, en effet, sorte de testament, la lettre qu'écrivit en prison Jean-Baptiste JAGAULT à sa jeune fille âgée de 5 ans.

"Je me vois forcé avec ta malheureuse mère qui, comme moi aujourd'hui est dans les fers, de confier le soin de ton enfance à des mains étrangères. Juge, pauvre infortunée, de notre peine et de notre douleur, toi qui faisais toute notre consolation et le bonheur de notre vie. Si tu veux vivre heureuse sois honnête, prévenante, docile, obéissante, écoute attentivement les avis salutaires que tes bienfaiteurs sont à même de te donner, aime le travail, occupe-toi quand tu seras à même d'acquérir des connaissances, que les qualités de ton cœur et tes vertus te fassent aimer et respecter des gens de biens, que ta reconnaissance soit éternelle vis à vis de tes protecteurs et qu'elle égale au moins leurs bienfaits. Enfin, ma chère enfant, écarte de toi tout ce qui peut devenir nuisible à ton bonheur et si tu nous survis [en face de l'acharnement démoniaque, le pardon ... des chouans], nous exigeons de ton amitié que la ville de Thouars ne soit jamais ton séjour car nous désirons que les auteurs de nos malheurs te soient inconnus".

Le frère de Jean-Baptiste, René, fut prêtre, traversa cette période avec la même fidélité, termina ses jours en 1835 comme curé de l'Eglise Saint-Médard de sa ville natale. Il n'a pas laissé de souvenir aussi émouvant, à la différence du troisième frère, Pierre.

Prêtre, lui aussi, et sur le compte de qui les chroniques de l'époque nous ont laissé maints détails, maintes anecdotes. Comme Jean-Baptiste et René, il était né à Thouars, fils d'un notable, d'un juriste. Il fut d'abord bénédictin à Marmoutier puis à Saint Nicolas près d'Angers. Il enseignait la théologie et cela lui donne une stature intellectuelle de premier plan. Ayant suivi comme son frère Jean-Baptiste l'insurrection dans ses débuts, une occasion fortuite lui donne l'occasion de parler en présence de l'armée et il se révèle du premier coup un orateur clair, fougueux, convaincant et il est adopté comme l'un des premiers aumôniers.

Il s'attacha dès lors de tout son cœur, de toute son intelligence à cette nouvelle croisade. Nous le découvrons dans le fracas et la mitraille des combats. Soutenant les soldats improvisés, penché sur les blessés, extrêmisant les mourants, silhouette de moine guerrier, bien dans la tradition du Turpin de la Chanson de Roland, ancêtre de ces aumôniers des tranchées de 14 ou des paras en Algérie. On aime le voir, après la bataille de Chatillon, sauvant les prisonniers de la fureur des combattants, soulevant par sa présence et sa parole 60.000 paysans découragés pour porter secours à CHARETTE bloqué par les mayençais, traversant les rues du Mans en flamme à la tête de fuyards qu'il ramenait au combat.

Prêtre, savant, courageux, l'honneur du sacerdoce français.

De telles qualités permettent à ces compagnons d'en découvrir d'autres, et c'est ainsi qu'il fut adjoint comme secrétaire général de l'armée catholique et royale.

Faut-il vous rappeler, messieurs, qu'après les premiers assauts assez anarchiques, il faut en convenir, suivis bien vite d'échecs inquiétants, les vendéens avaient senti le besoin de définir leurs objectifs et d'établir entre eux une sorte de hiérarchie. L'Abbé BERNIER, autre grande figure du clergé vendéen, avait rédigé une proclamation qui pouvait servir de charte à l'armée de l'Ouest. Le signe de la croix, l'étendard royal l'emportent sur les drapeaux sanglants, le vœu de la France est de retrouver et de conserver à jamais notre sainte religion catholique, apostolique et romaine et d'avoir un roi qui nous serve de père.

Donc Dieu et le roi et cette réunion décide au nom de Dieu et de par le roi de constituer trois comités : un comité ecclésiastique pour rétablir la dîme qui avait disparu dans les nuits du 4 août - c'était peut-être pas une présentation très souriante ni très habile mais l'argent est le nerf de la guerre et rien n'est jamais venu alors de l'étranger - ; un comité civil qui devait remettre en cause la vente des biens nationaux - c'était justice mais c'était s'aliéner la nouvelle bourgeoisie des villes qui se constituait à partir de cette nouvelle source de richesse - et un comité militaire qui devait désigner un chef suprême pour la Grande Armée. Et là, le choix fut heureux puisqu'il se porta sur CATELINEAU un homme d'une grande lucidité politique et d'une piété légendaire.

De ce conseil supérieur et singulièrement du comité civil, le secrétaire fut l'abbé Pierre JAGAULT. Travail considérable d'organisation qui ne l'empêchait pas cependant de vaquer à un ministère rural. Théologien, combattant, organisateur, voici un homme dont le rôle va être essentiel dans la lutte.

La providence voulut qu'il traversât sans être pris dans bien des rencontres périlleuses. Il était là au passage de la Loire près de LESCURE blessé mortellement. Il était là à Savenay, caché, travaillant comme un paysan et il put vivre dans la clandestinité jusqu'à la paix. Et pendant tout l'Empire, ce vendéen infatigable prépara, tant en France qu'à l'étranger, le retour de la monarchie essayant par ces démarches de coordonner entre elles et de subordonner au roi des tentatives trop souvent vouées à l'échec par leur fragmentation.

Toujours prêt cependant à reprendre la lutte si l'occasion est bonne et les chances satisfaisantes. On lui doit un rapport extrêmement complet et perspicace sur la dernière insurrection vendéenne de 1815 qui se termine par ses mots. Entendez-le : "Etranger à tout esprit de parti, j'ai cherché la vérité et je la dis telle qu'elle s'est montrée à moi. Les bons habitants de la Vendée n'ont rien perdu de leur ancien dévouement à la cause de votre auguste maison (dit-il au roi). Dans ces derniers moments encore, ils étaient près à tout sacrifier pour elle. Que votre majesté daigne donc jeter un regard de bonté sur un pays que 25 ans de révolution, de malheur, n'ont pu faire changer et qui a juré de donner, dans tous les temps, quelles que soient les circonstances, l'exemple d'une inébranlable fidélité à votre personne sacrée".

Ainsi, vécut, pensa, écrivit Pierre JAGAULT, travailleur infatigable, intelligent, efficace de la cause sacrée à laquelle il s'était voué.

Aussi énergique dans l'action que délié dans la réflexion et ferme dans les convictions qui l'ont animé et orienté.

Encore faudrait-il comprendre comment de tels hommes se sont vu affronter un tel bouleversement dans leur vie, dans l'univers où il semblait devoir mener une existence de labeur, de piété et de combat intérieur contre le démon.

Et l'on ne peut s'empêcher de se demander pourquoi, pourquoi si brutalement et si rapidement, en est-on venu à ce paroxysme de haine, de haine mortelle ? Quelles sont les causes de cette terreur si évidemment avant tout anti-chrétienne ?

Je devrais beaucoup pour cette réflexion aux travaux de M. de VIGUERIE.

Le complot auquel s'attache le nom de l'abbé BARUELLE n'a jamais été vraiment prouvé. On ne peut, en histoire, raisonner avec les facilités de déduction que se donnent les physiciens. Tout se passe comme si ... Non. Volonté de subversion, désir de faire évoluer au plus vite une société d'ailleurs un peu vétuste. Oui, mais cela n'explique pas la terreur systématique. Autre explication : l'imprégnation de l'esprit public par une idéologie. Certes, cela a joué une grande part et Augustin COCHIN est celui qui l'a le mieux mis en lumière.

Mais s'il montre comment une évolution intellectuelle en arrive à la logique de l'élimination, il n'en montre pas la cause, le départ. Il faut remonter à des origines intellectuelles et voir, au-delà des mots qui trompent exprès sur leur contenu, le sens réel de certaines philosophies qui ont abouti à ces bouleversements révolutionnaires.

Rien de plus rassurant, par exemple, que le mot de tolérance mais - attention ! - cette tolérance lutte contre l'intolérance, le fanatisme. Or, la religion est par nature intolérante. Assimiler l'intolérance au fanatisme - qui est un mot assassin - permet de considérer la lutte contre la religion comme une œuvre pie. Car fanatique dans la langue du dix-huitième siècle signifie fou dangereux et fauteur de guerre civile. Lutter contre le fanatisme, c'est utiliser une thérapie de choc pour faire revenir à la raison, à la déesse raison. Rien de plus normal que de désirer l'utile, de rejeter l'inutile comme nuisible, assimiler le religieux à l'inutile et inviter à en épurer la société comme d'une nuisance ou d'un parasite c'est toute la pirouette des philosophes, dits des lumières.

Pirouette c'est vite dit, car on arrive de l'inutilité au mépris, au rejet hors des frontières de l'humanité, donc à l'extermination et employons le mot à la purification ethnique.

Le clergé, qui refuse un serment civique, se met hors la loi. C'est donc un agresseur qui doit être anéanti. Le chrétien est un sous-homme qui ne mérite pas la pitié. Le prêtre est le géniteur de ces monstres et mérite à la fois l'horreur, le mépris et la mort.

Ajoutons-y, sans chercher ici un degré d'importance, quelques abus financiers, quelques scandales d'une morale ecclésiastique relâchée et le souvenir vivace des terribles luttes fratricides que se sont livrés souvent rageusement les chrétiens : catholiques contre protestants, jansénistes contre jésuites. Il y a eu des revanches protestantes, jansénistes, gallicanes, libres penseuses - on disait alors libertines - qui ont rallumé des bûchers dont l'odeur et la fumée stagnaient encore ici et là.

La malheureuse constitution civile du clergé et le serment qui y était articulé ont été les détonateurs pour cette "déprêtrisation" et cette croisade contre l'infâme. Ne nous y trompons pas, les mêmes conditions sont presque réunies pour produire les mêmes mesures d'élimination de nos jours.

En combien de régions du monde, voyons-nous une intolérance persécutrice sévir contre le christianisme, contre le catholicisme surtout s'il est intégralement fidèle ?

La même défiance, la même accusation de sectarisme, d'ennemi du genre humain, le même mépris. Curieux renversement, la société du vingtième siècle, différente de celle du dix-huitième, veut conserver la liberté du suicide individuel et collectif par la drogue, la débauche mortelle et l'avortement. Et croyons-nous que l'affadissement - oh! le mot n'est pas juste - la perversion du sacré en idéologie politicienne, l'oxydation des pures valeurs religieuses par les courants d'air de l'aggiornamento, le mea culpa prononcé sans respect de l'histoire ni de la vérité par les flagellants de la nation et de l'Eglise, les exclusions haineuses des romains par les progressistes et les invectives incroyables dont font usage les purs fidèles de la tradition mutuellement, est-ce que tout cela ne reproduit pas le scénario de 89 ?

Je ne sais pas si le français moyen, émasculé par les télévisions et le tiercé, se fatiguerait à un "sans-culottisme" de combat, de massacre. La dernière terreur en France remonte à l'épuration, mais certaines mobilisations, il y a quelques années ou quelques semaines, prouvent que la haine n'est pas morte, celle-ci du moins. Certains slogans de la journée, dite de l'enseignement laïc mais dont l'enjeu était bien différent, certains slogans voulaient frapper pour faire mourir. Rappelez-vous cet enfant de nos écoles recouvert d'un casque de SS avec dessus la croix et le signe des SS mélangés : c'est frapper pour tuer. Et si le français moyen est fatigué, il y a des membres de certaines tribus qui sont toujours avides du sang chrétien et une main d'œuvre toute trouvée dans nos rues.

Il y a une philosophie d'exclusion, une philosophie d'extermination de nos jours comme en ce temps-là. Le bicentenaire nous ramène aussi près d'une constitution civile du clergé avec cette différence, c'est que le clergé moderne et moderniste a déjà dépassé la constitution civile du clergé pour faire cause commune avec cette philosophie et ses disciples et que le nombre des réfractaires s'est réduit mais que leur vaillance est égale.

Mais il y a une différence. Nos ancêtres ont découvert cette haine et ont su, sans se décontenancer, y faire face, mais nous, nous savons, nous voyons, nous avons donc les moyens d'éviter, autant qu'il est humainement et religieusement possible, le retour de telles horreurs. Nous sommes avertis, nous connaissons les cheminements, nous connaissons les arguments, les remèdes. C'est à un redressement philosophique, mental, pédagogique, à une réaffirmation de nos comportements que l'exemple admirable, mais nullement fatal, de ces martyrs de Vendée, de Bretagne et d'ailleurs, nous convient. La torpeur et l'aveuglement sont mortels d'autant que les persécutions antiques ont fait quelques martyrs mais que les persécutions modernes dépeuplent et dévastent des chrétientés entières. Nous ne sommes pas remis de la terreur de 93, nous n'en sommes pas plus remis que des populicides de 14 et de 39. Tout le dix-neuvième siècle a eu un catholicisme exténué, à cause de cette persécution qui, en cela, a été victorieuse.

Le bicentenaire de l'Abbé JAGAULT et de ses frères prend donc pour nous une tout autre signification qu'une pieuse commémoration familiale à laquelle nous nous associerions par sympathie pour leurs lointains neveux.

Devant un péril identique, retrouvons le jugement droit et le refus perspicace du bénédictin théologien. Sachons décrypter, derrière les sophismes et les équivoques, les vraies intentions, comprenons ce que la langue de bois, le parler ambigu, le jargon humanitaire veulent dire, démasquons-les ; leur force est dans leur dissimulation, comme ces animaux nocturnes qui s'enfuient en piaillant sous un rayon de lumière.

En face d'assassins dont les armes sont des mots, traduisons et réfutons sans relâche. Comme l'Abbé JAGAULT, dans ses conférences et conciliabules parce qu'il était bon théologien, a su raison et vérité garder, mais il était si seul. Et puis, rappelons-nous, ces héroïques armées vendéennes ont fini par échouer, par succomber et nous savons bien pourquoi. Après avoir été plusieurs fois à deux doigts de la maîtrise complète de la Vendée militaire, après avoir - qui sait ? - été à même de délivrer Paris, ils ont échoué. Ne nous laissons pas aveugler par un romantisme désespéré.

Mourir soit, mais en vainqueur. Le martyre est précieux quand c'est la seule issue sublime à une impasse inévitable. Mais ce n'est pas une substitution compensatoire à l'erreur, à l'ignorance, à l'insuffisance. Nous savons bien qu'ils n'ont pas été capables de lever de vraies armées, d'avoir un commandement longtemps unifié, d'avoir, hors de ces augustes références à la croix et au roi, d'avoir eu une pensée guerrière, une pensée politique, une diplomatie aménageant des alliances et de longues perspectives.

Chacun avec son objectif, sa petite armée de combattants intermittents. Transposons sur notre stratégie de français et de chrétiens d'avant la prochaine terreur. Avons-nous un JAGAULT, accepterions-nous cette fédération des chefs, cette articulation hiérarchique et tactique ? MAURRAS l'a assez dit que Azincourt, Cressy et Sedan ne constituent pas une tradition mais Bouvines, Orléans, la Marne et Verdun, oui. Avec, à chaque fois, des chefs qui, pensant clair et marchant droit, savent souder l'anarchie gauloise et organiser la victoire.

Cholet, le Mans, Savenay, ah ! nos yeux s'embuent devant ces massacres, ces fureurs sacrilèges qui s'abattent sur des innocents dont la faux est rompue et le Sacré-Cœur au côté comme pour le soldat de RIMBAUD percé d'un trou rouge.

Mais ce n'est pas une tradition. Sachons faire ce qu'ils n'ont pas fait. Et que le bicentenaire de leur défaite, sainte, glorieuse, soit le signal d'un surgissement égal en piété mais supérieur en intelligence philosophique, en organisation politique. Nous serions de bien piètres héritiers, de frivoles descendants si nous nous contentions de venir éprouver les austères joies de la commémoration dans les brumes du souvenir. Ce n'est pas ainsi qu'ils veulent revivre. Héritiers, oui, mais successeurs, aussi. Et là où ils ont arrêté leur marche, nous la reprendrons, sinon, je le répète, il y aurait une indécente dérision à ces émotions nostalgiques. Que notre cœur, animé des mêmes sentiments, batte pour les mêmes amours. Quand nous menons nos enfants à Verdun, ce n'est pas, tout de même pas, pour qu'ils hochent la tête en disant dans leur jargon : "terrible !", mais pour que, dans un concentré d'âmes françaises, ils retrouvent la force et la grandeur de leurs grands-pères qui pour la France acceptèrent un tel sacrifice - de même, au mont des Alouettes, au Puy du Fou - et pour qu'ils emportent cette âme ainsi greffée dans les nouvelles aventures d'une vie nationale et chrétienne.

Ces commémorations nous permettent de galvaniser les puissances de toutes nos âmes et de réveiller des vocations que tant d'enchanteurs perfides risquent d'assoupir. Il ne s'agit pas forcément de reprendre là, tout de suite, les armes, mais cela signifie que, devant une situation analogue, il convient d'avoir une âme semblable, un courage égal, une lucidité supérieure.

Il faut déterminer la meilleure façon de reprendre la lutte jamais tout à fait interrompue et de la mener à la victoire.

Lorsque Cadoudal monte à l'échafaud, lié sur la planche, il se met à crier d'une voix formidable que n'arrivent pas à couvrir les tambours : "vive le roi! vive le roi! vive...". Reprenons et achevons : "vive le roi!".

N'est-ce-pas à écouter la voix qui nous parvient d'alors la meilleure façon d'être catholique et français mais - refrain - il faut l'être puissamment et victorieusement. Comme le disait Massis : "nous avons le devoir d'intelligence, nous asseoir pour calculer la victoire, nous agenouiller pour la demander à Dieu, nous lever pour l'offrir à nos ancêtres qui l'attendent, à nos enfants qui, sans le savoir peut-être, l'attendent de nous".

Pourquoi ne pas demander à La Varende d'évoquer pour nous la grande figure de Frotté. De la Vendée à la chouannerie, il y a continuité.

"Nous te remercions Louis de Frotté d'avoir ouvert à nos âmes les espaces désertés du sacrifice et de l'impassible domination de soi-même.

Nous te remercions d'avoir été à la fois si tendre et tellement téméraire, si sensible et si vigoureux. Tu restes pour nous l'exemple d'une vie délicate, entièrement sacrifiée à la foi chrétienne, même quand elle nous trahit, au loyalisme monarchique, alors qu'il nous déçoit".

Nous ne nous laisserons pas impressionner par le bruissement des branches mortes mais prions ce soir. Après tout, c'est notre affaire à nous.

Quand Hugues Capet, Jeanne d'Arc et Charles VII relevèrent le royaume, ils le firent avec la grâce de Dieu dans une Eglise ruineuse et à l'aide d'une famille royale qu'il fallait reconstituer.

Mais rien ne pouvait se faire sans les troupes fidèles, dévouées et clairvoyantes des français.

Quand CATELINEAU, CHARETTE et JAGUAULT tentèrent de relever le royaume - hélas! - l'Eglise s'était trop longtemps demandé si la constitution civile n'était pas orthodoxe, le roi avait concédé trop de choses et les français, sauf en Vendée, les français avaient perdu, à cause des lumières, la clairvoyance.

Dieu ne nous abandonnera pas. L’Eglise est éternelle. Il y a des princes. Il nous appartient de raison, foi et fidélité garder.

Travaillons à bien penser. Faisons-nous des âmes de vendéens pour qu'à tout moment, la Providence, qui veut le salut de la patrie française, trouve en nous les auxiliaires sans lesquels elle ne veut rien faire.

Aussi grands que furent nos ancêtres dans la guerre des géants et grâce aux leçons du passé transmis par l'histoire, éclairés par les leçons de l'histoire, que nous soyons les auxiliaires victorieux ... VICTORIEUX ... dans les combats de la pensée, de la patrie et de la foi.

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