Monte Alegre, la petite colonie Belge au Brésil, oubliée des livres d'histoire

3 years ago
69

Sous un soleil au zénith, alors que le thermomètre affiche plus de 35 degrés, Paul Schuerewegen, 67 ans, s’avance doucement vers ce bungalow construit dans un style similaire à celui des maisons bâties par les Belges au Congo, lorsque le pays était encore une colonie. Ici pourtant nous ne sommes pas en Afrique… mais au sud du Brésil, dans le village de Monte Alegre, près de la ville de Botucatu, au cœur de l’Etat de Sao Paulo. Photo d’époque à la main, cet Anversois redécouvre la maison de Monte Alegre dans laquelle il a vécu pendant plus de 20 ans. Il n’était plus revenu sur ce terrain depuis 1985. « C’est très difficile de parler, c’est une grande émotion », murmure-t-il.

« Avec ma famille, nous avons quitté le Congo après l’indépendance, en 1960, explique Paul Schuerewegen. Nous sommes rentrés quelques mois en Belgique avant de choisir de venir ici au Brésil en 1962. Nous sommes venus pour travailler dans l’agriculture, comme au Congo. Nous étions habitués à faire ça. En Belgique, cela n’était plus possible ».

« Les terres ont été achetées par la Belgique pour pouvoir installer les Belges qui revenaient du Congo au moment de l’indépendance », explique Jacqueline Didier. Cette Belge originaire d’Arlon est arrivée à Monte Alegre en 1963 avec sa famille. Elle avait 8 ans.

Pour comprendre, il faut se replonger dans le contexte de l’époque. Juste après l’indépendance du Congo, en 1960, beaucoup de Belges qui étaient installés dans la colonie ont quitté l’Afrique. On estime alors que près de 90.000 ressortissants sont rentrés en Belgique. Pour faire face à tous ces retours, la Belgique a notamment cherché des solutions à l’étranger. « Il y avait beaucoup de Belges au Congo qui avaient comme métier l’exploitation de la terre, précise Jacqueline Didier. En Belgique, on ne savait pas reclasser tant de personnes. Cela représentait des milliers de personnes. Il aurait été trop difficile de trouver des espaces de labourage pour autant de monde. Notre arrivée ici s’est faite comme ça ».

« Je suis né à Charleroi. J’ai vécu au Congo pendant 8 ans avec mes parents. Au moment de l’indépendance, nous avons tout perdu et nous sommes revenus en Belgique. C’est à ce moment-là que le gouvernement belge nous a proposé de venir au Brésil pour recommencer notre vie », confirme Yves Anthoine, arrivé à Monte Alegre quand il avait 10 ans. « Comme nous avions tout perdu au Congo, la Belgique a voulu se racheter », estime-t-il.

Résultat, en 1961, la Belgique fait l’acquisition de près de 10.000 hectares de terres par l’entremise de son voisin, les Pays-Bas, dont des représentants ont été chargés de trouver un endroit pour les Belges. Les Néerlandais avaient déjà réalisé un projet similaire au Brésil quelques années plus tôt, dans la même région. Le village de Holambra (abréviation de « Holland-America-Brazil »), créé par les Néerlandais, se trouve d’ailleurs à 200 kilomètres à peine de Monte Alegre.

C’est alors qu’une société agricole est créée à Monte Alegre. Son nom : SCABB pour « Sociedade Cooperativa Agropecuaria Belgo-Brasileira » et les travaux commencent. « Nous avons appelé 'Avenue Louise' la première avenue de maisons en bois où les premiers Belges arrivés ici ont habité, explique Yves Anthoine. Ensuite la coopérative a fabriqué d’autres maisons dans d’autres rues pour ceux qui sont arrivés après. Il y avait aussi un magasin, une boulangerie, une poste et un seul téléphone avec un seul numéro ».

Le village de Monte Alegre s’étoffe petit à petit. Dans les années 60 et 70, on construit une station-service, un puits, une infirmerie, deux écoles, une salle de réunion où on célèbre la Saint-Nicolas ou la fête nationale le 21 juillet… on installe aussi une laiterie. Son nom : BELCO pour "Belgique-Congo". « Les Belges ont décidé de faire leur propre laiterie pour se diversifier et ils ont fait venir de la Belgique, avec des crédits belges, tout ce qu’il fallait pour l’installer », explique Winston Dammans, un Gantois arrivé à Monte Alegre début des années 60, à l’âge de 13 ans. C’est lui qui nous emmène dans les rues de Monte Alegre et vers les ruines de cette ancienne usine.

« Cette entreprise belge a fabriqué le premier lait pasteurisé emballé dans des sachets plastiques de tout le Brésil », affirme Winston Dammans. « Ils ont aussi fabriqué ici du fromage et du beurre avant que la laiterie ne devienne une brasserie. » Dans les années 80, la société Cervejaria BELCO produisait en masse de la bière alors encore brassée par des Belges. Aujourd’hui, la marque a été rachetée mais elle existe toujours et des bières BELCO sont encore vendues dans des magasins dans l’Etat de Sao Paulo.

Suivre sur Twitter: https://twitter.com/BasedCongo

#BrésilBelge #Belgique #Brésil

Loading comments...